- PALÉOCÈNE
- PALÉOCÈNELe Paléocène (des mots grecs palaios , ancien, et kainos , récent), première des trois époques du Paléogène ou Nummulitique, a été défini dans le bassin de Paris par W. G. Schimper (1874) pour représenter la première période du Cénozoïque. Malheureusement, une ambiguïté introduite par cet auteur dans sa définition fut, comme si souvent en stratigraphie, la source d’inépuisables controverses. On tentera seulement ici d’indiquer, notamment pour l’Europe occidentale où les étages paléocènes ont été définis, les limites les plus généralement admises pour cette époque, que certains auteurs voudraient voir rattachée à l’Éocène malgré l’individualité que lui confèrent une faune originale et une durée d’une douzaine de millions d’années (de 漣 65 à 漣 53 Ma).Limites et subdivisionsDans son Traité de paléontologie végétale , Schimper donne à l’époque paléocène le contenu lithologique suivant: sables de Bracheux; travertins anciens de Sézanne; lignites et grès du Soissonnais (Suessonien). À l’époque éocène il attribue: Monte-Bolca; calcaire grossier de Paris et lits marneux du Trocadéro; gypses et arkoses du Puy; argiles de Londres et dépôts contemporains de l’île de Sheppy; grès de la Sarthe et des environs d’Angers; lignites de Skopau; argiles vertes de Montmartre; gypses d’Aix-en-Provence.De la première définition, il résulte que, pour Schimper, le Suessonien est inclus dans le Paléocène. Or cet étage, défini par A. d’Orbigny (1852), comprend non seulement les sables de Bracheux et des argiles à lignites, mais aussi les sables de Cuise sus-jacents. Cela ne fait pas de doute pour Schimper qui place nommément dans le Paléocène «les argiles et grès du Soissonnais»; pourtant, les premières sont sparnaciennes et les seconds cuisiens. On peut en déduire que, pour Schimper, le Sparnacien et le Cuisien appartiennent au Paléocène, et non pas seulement le premier de ces étages comme on l’affirme si souvent. La seconde définition (époque éocène) laisse entendre que l’argile de Londres, dont la base est sparnacienne (donc suessonienne), est cette fois éocène. Ainsi existe-t-il une contradiction dans les attributions de Schimper: tantôt il place le Sparnacien et le Cuisien dans le Paléocène, tantôt il considère que le Sparnacien est inclus dans l’Éocène. D’ailleurs Schimper faisait lui-même des réserves sur ses propositions en écrivant que «la flore paléocène n’est encore représentée que par les débris rencontrés dans deux localités assez restreintes, dont l’une est aux Grottes, près de Sézanne (Champagne), et l’autre aux environs de Soissons (sables de Bracheux, lignites et grès du Soissonnais)».La limite inférieure du Paléocène revêt une importance considérable puisqu’elle est, en même temps, la limite entre le Mésozoïque et le Cénozoïque et que sa situation pose immédiatement le problème du Danien. Cet étage, créé en 1846 pour représenter des calcaires zoogènes (en particulier à Bryozoaires) qui surmontent la craie maastrichtienne à Faxe, au sud de Copenhague, était considéré comme l’étage terminal du Mésozoïque [cf. CRÉTACÉ]. Toutefois, si certaines formes mésozoïques persistent, notamment des Échinodermes, on n’y rencontre plus ni Ammonites, ni Bélemnitidés, ni Inocérames, ni Globotruncana . D’autre part, les formations daniennes ne sont suivies d’aucune régression et sont recouvertes en continuité par des marnes cénozoïques (étage sélandien). Enfin, on a découvert dans le Danien du Danemark des formes planctoniques considérées comme cénozoïques dans le domaine téthysien d’Amérique centrale (tabl. 1). C’est pourquoi il est préférable de placer le Danien au début du Cénozoïque. Sa partie supérieure correspond d’ailleurs au Montien de Belgique, étage incontestablement cénozoïque.On a vu plus haut qu’on ne pouvait fixer la limite Paléocène-Éocène (limite supérieure du Paléocène) en se référant à Schimper. Malgré cela, une conception souvent admise voulait que le Sparnacien fasse partie du Paléocène, et que l’Éocène débute avec le Cuisien (zone à Nummulites planulatus ). Eu égard aux principes généraux de stratigraphie, cette limite a l’énorme inconvénient de placer deux étages fondamentaux, l’Ilerdien et l’Yprésien, à cheval sur deux époques [cf. ÉOCÈNE]. D’autre part, dans le bassin de Paris, une coupure importante, la plus importante de tout le Paléogène de l’avis unanime des paléomammalogistes, se situe entre la faune thanétienne de Cernay-lès-Reims, à Plesiadapis, Pleuraspidotherium, Arctocyon et Neoplagiaulax , et la faune sparnacienne, où apparaissent les Artiodactyla, Perissodactyla, Rodentia, Carnivora, Tillodonta, Chiroptera, Dermoptera , ainsi que la plupart des Creodonta . Cette coupure correspond à la limite Thanétien-Sparnacien (tabl. 1). Elle correspondrait, aux États-Unis, à la limite Clarkforkien-Wasatchien. Elle se situerait, en Belgique, entre le Landénien et l’Yprésien; en Angleterre, entre Blackheath-Oldhaven Beds et London Clay (tabl. 2). Dans les bassins téthysiens, cette limite se placerait alors, en terme d’étage, sous l’Ilerdien et, en terme de biozone, à la base de la zone à Globorotalia velascoensis ou un peu au-dessus. Elle correspondrait à peu près à la zone à Discoater multiradiatus (d’extension très réduite) et serait marquée par l’apparition des premières Nummulites et des premières Assilines.Le Paléocène du bassin de ParisDans le bassin de Paris (tabl. 2), on distingue deux étages: le Dano-Montien (fig. 1) et le Thanétien (fig. 2).Dano-MontienLe terme «Montien» a été proposé par J. Dewalque (1868) pour désigner en Belgique le calcaire de Mons, dont la faune est cénozoïque. Il surmonte le tuffeau de Ciply, danien ou montien inférieur suivant les auteurs, que R. Marlière rapporte au Montien. La position stratigraphique de ces formations a fait l’objet d’une discussion, ouverte en 1912 par G. F. Dollfus, partisan d’un âge montien, et P. Lemoine, qui les attribuait au Campanien.Les progrès accomplis dans la paléontologie relative aux Mollusques et aux Ostracodes placent le calcaire de Vigny en parallèle avec le tuffeau de Ciply et la base du calcaire de Mons. La faune d’Ostracodes de Vigny se situe à la base du gisement. Les assises graveleuses, concrétionnées et construites, se développent au-dessus, c’est-à-dire dans un Montien franc. R. Damotte (1964) a d’autre part étudié la faune d’Ostracodes des gisements classiques du bassin de Paris: Meudon, Issy-les-Moulineaux, Montainville, Laversines, Ambleville et Vigny, faune non seulement postcampanienne mais aussi nettement postmaastrichtienne.ThanétienAu Thanétien, le bassin de Paris n’est qu’un golfe largement ouvert au nord et au nord-est, où vient mourir la transgression thanétienne, représentée seulement par les dépôts de sa phase terminale. Le type de l’étage se situe en Angleterre avec les «Thanet Sands» qui affleurent dans une presqu’île au sud de l’estuaire de la Tamise, l’«île» de Thanet (Kent). Ces influences nordiques se traduisent par une faune marine vivant dans des eaux plus froides que la faune dano-montienne et que les faunes de l’Éocène moyen et supérieur. Toutefois, cela n’implique pas que le climat du continent ait beaucoup varié: il reste tropical, à preuve la flore du travertin de Sézanne. Alors que se déposaient en Belgique les assises inférieures du Thanétien (ou Landénien; zone I à Cyprina morrisi ), l’érosion continentale continuait à affecter, en France, les pays de craie, recouverts au centre de la cuvette par les calcaires et marnes dano-montiens. Cet intervalle de temps le plus long qui ait séparé des dépôts du Paléogène explique l’ablation des formations dano-montiennes, lesquelles, pour la plupart, ne sont pas même recouvertes par le Thanétien, sauf dans la région de Beauvais.En avançant vers le sud, la mer absorbe les produits de l’érosion continentale: tuffeau de La Fère, gréseux, glauconieux et phosphaté; argile de Vaux-sous-Laon, sableuse et glauconieuse, renfermant à la base des galets verdis (zone II à Pholadomya oblitterata ). On retrouve d’ailleurs ces galets verdis (oxydes ferreux) et noircis (oxyde de manganèse) à la base de la plupart des formations marines de l’Éocène inférieur et moyen, vestiges de l’altération de la craie dans un milieu réducteur.La mer progresse vers le sud, au Thanétien supérieur (zone III à Cyprina scutellaria ), laissant déposer des sables glauconieux surtout à la base: les sables de Bracheux (butte de la Justice, hameau de Bracheux, à 5 km à l’est de Beauvais). Outre Cyprina scutellaria , ils renferment de nombreux Mollusques (tels que Cucullea crassatina, Ostrea bellovacina, Cardite pectuncularis ou encore Pectunculus terebratulis ).Après avoir franchi le pays de Bray, pas encore marqué dans la topographie, la mer thanétienne s’est arrêtée un peu au sud, dans le pays de Thelle, à peu près au pied de la cuesta qui limite aujourd’hui vers le nord le Vexin français. Plus à l’est, le rivage se situait à 2 km au nord de Luzarches où s’est consolidé un poudingue à galets de silex et ciment gréso-quartzitique (poudingue de Coye).À mesure qu’on se dirige vers la Champagne, les sables marins de Bracheux passent aux sables lagunaires de Châlons-sur-Vesle, puis aux sables blancs de Rilly, tenus pour littoraux. D’ailleurs, aux confins de la Champagne, les dépôts fluviatiles et estuariens du Thanétien sont particulièrement remarquables. Immédiatement sur les sables de Rilly, ou même reposant directement sur la craie, le conglomérat de Cernay sablo-argilo-calcaire, sur les flancs du mont Berru, à l’est de Reims, a fourni une riche faune de Vertébrés (D. E. Russell, 1964). Les Crocodiles, les grandes Tortues et un Oiseau géant (Gastornis ) voisinaient avec une faune archaïque de Mammifères (Arctocyon, Tricuspiodon, Pleuraspidotherium ) qu’on peut rapprocher de la faune du Paléocène supérieur de l’Amérique du Nord. Elle est en fait l’aboutissement de l’évolution des Mammifères du Mésozoïque, et se distingue clairement des Mammifères du Sparnacien (Coryphodon ) qui, dans le bassin de Paris, inaugurent le Cénozoïque. C’est là un bon argument pour rattacher le Sparnacien au cycle yprésien, et placer la coupure Paléocène-Éocène entre le Thanétien et le Sparnacien (tabl. 1 et 2).Au sud d’Épernay, le travertin de Sézanne, dépôt de source ou de résurgence issue de la craie, livre de belles empreintes de végétaux, d’escargots, de physes et de paludines, de tubes de phryganes, de crustacés (dont une écrevisse). La flore comprend notamment Alnus, Laurus, Sassafras, Salix, Aralia, Magnolia, Vitis ainsi que des Cryptogames (Marchantia, Adiantum, Asplenium ).Le cycle thanétien se termine par un épisode continental où sont localement grésifiés des sables supérieurs: grès des environs de Dieppe et du Laonnois (Hottée de Gargantua, à Molinchart), et par l’installation de lacs où se déposent des calcaires et des marnes à faune d’eau douce: calcaire de Rilly et marnes de Dormans à l’est, calcaires de Clairoix et de Mortemer à proximité de Compiègne, marnes de Sinceny à l’ouest de Laon, calcaire de Varengeville près de Dieppe. Cette régression atteint le nord de la France (sables d’Ostricourt, près de Béthune) et la Belgique (grès à plantes de Landen, localité type du Landénien).Le Paléocène au sud de la FranceDans le sud du bassin d’Aquitaine et surtout dans les Pyrénées occidentales, il n’existe pas d’interruption de sédimentation entre le Crétacé et le Cénozoïque. Ce dernier débute, dans les flyschs pyrénéens, après la disparition des dernières Globotruncana et l’apparition de Globigerina eugubina puis des Globorotalia . Au nord de la limite Adour-Gave de Pau, les dépôts néritiques paléocènes qui surmontent les marnes maastrichtiennes peuvent se diviser, d’après D. Boulanger, en deux ensembles: un «Paléocène inférieur» marno-calcaire, parfois transgressif, à Globigerina eugubina à la base, puis Globigerina daubjergensis et Globorotalia angulata ; un «Paléocène supérieur» également transgressif, à niveaux marneux renfermant Globorotalia velascoensis et niveaux calcaires à algues et Alveolina primaeva .À l’ouest, dans les petites Pyrénées, le Plantaurel, le Languedoc et la Provence, le Paléocène est généralement continental, tantôt détritique, tantôt lacustre (calcaires), tantôt continental avec des faciès d’altération (argiles rutilantes ou versicolores). Au-dessus du Maastrichtien (ou Bégudien lorsqu’il est continental), l’échelle stratigraphique régionale comprend, en Provence, un Rognacien surmonté d’un Vitrollien. Le premier (calcaire de Rognac, qui domine en falaise l’étang de Berre) correspondrait sensiblement au Danien, ou encore au Maastrichtien supérieur, car on y trouve des restes de dinosaures, tandis que le second (argiles et calcaires de Vitrolles, Bouches-du-Rhône) appartiendrait au Montien. Alors qu’à l’ouest du bassin d’Aquitaine on observe un passage continu Crétacé-Cénozoïque dans des formations marines, c’est dans des formations continentales que cette transition s’effectue à l’est, sans que pour autant la limite soit plus facile à tracer. Ainsi, on a trouvé des œufs de dinosaures dans les argiles inférieures de Vitrolles, qui seraient donc encore mésozoïques. Toute cette série continentale a été appelée «Garumnien» dans le Languedoc, terme imprécis qui s’étend du Maastrichtien au Montien. Cette région est atteinte par la mer au Thanétien (brèves incursions intercalées dans les calcaires lacustres à physes et paludines).Le Paléocène dans le mondeÀ l’échelle mondiale, le Paléocène apparaît en continuité avec le Crétacé supérieur dans tout le domaine téthysien, depuis le Venezuela jusqu’au Moyen-Orient. Ce sont alors les organismes planctoniques qui fournissent la meilleure zonation. Le Crétacé s’achève avec les Globotruncana et, si les Globorotalia n’apparaissent pas immédiatement à la base du Paléocène, les Globigérines se manifestent dès le début du Danien. Sur les continents, après la disparition des grands Reptiles, la faune mammalogique paléocène, magnifiquement développée en Amérique du Nord, présente une grande originalité et justifie à elle seule le maintien de l’époque paléocène en tant que telle. Enfin, trait paléogéographique majeur, il faut mentionner, à la limite Crétacé-Cénozoïque, la réunion temporaire de l’Amérique du Sud à l’Amérique du Nord, avant un isolement qui va durer 50 millions d’années: la faune sud-américaine évoluera, jusqu’au Plio-Quaternaire, complètement coupée du reste du monde.paléocèneadj. et n. m. GEOL Relatif à l'étage géologique du paléogène inférieur.— n. m. Le paléocène.paléocène [paleɔsɛn] adj. et n. m.ÉTYM. 1888; en all. 1874, Schimpfer; de paléo-, et éocène.❖♦ Didact. (Géol.). Se dit de l'étage géologique correspondant au paléogène inférieur (ou éonummulitique; ⇒ Nummulitique). — N. m. || On divise le Paléocène en Montien et Landénien (Sparnacien et Thanétien).
Encyclopédie Universelle. 2012.